Association du Patrimoine Religieux Vençois

Après son retour des États-Unis en 1948, Marc Chagall achète en 1950 une maison à Vence. C’est là qu’il mûrit et réalise l’œuvre de sa vie, « le Message Biblique ». Cette idée le poursuit depuis son enfance, à Vitebsk, au sein d’une communauté hassidim où il s’imprègne des histoires de la Bible. Il prend alors conscience que celle-ci « est la plus grande source de poésie de tous les temps », favorisant la rencontre des « religions du Livre » : le judaïsme, le christianisme et l’islam, bien que ce dernier n’en découle pas directement.

C’est en 1930 que le galériste Ambroise Vollard propose à Chagall d’illustrer la Bible en réalisant une centaine de gravures. Pour s’imprégner de son sujet, celui-ci voyage en Palestine, aux Pays-Bas, en Espagne. En 1939, il a gravé 70 planches avant de partir aux États-Unis où il est douloureusement marqué par le massacre des juifs, ce qui va donner à son travail un sens plus religieux. 

Un jour que je lui demandais pourquoi il peignait souvent le Christ en croix, il me répondit que Jésus était juif et qu’il portait la souffrance du monde. Il représentait pour lui le juif sacrifié plus encore que le Christ chrétien.

Il avait l’intuition que la peinture, comme la parole, pouvait être un commentaire des textes bibliques et qu’il avait lui-même un rôle à jouer en tant que peintre, comme « messager du divin ».

Une fois installé à Vence, Chagall commence à réfléchir et à travailler sur son projet biblique.

Il entreprend de peindre à l’huile cette œuvre majeure, lui, le peintre qui, plus que tout autre, évoquait la « chimie des couleurs ».

L’ensemble des œuvres composant le Message Biblique, peintes entre 1956 et 1966, comprend deux parties inspirées de la bible hébraïque (ou ancien testament)

– les 12 tableaux évoquant la Genèse et les épisodes de l’exode, peints dans des tons à dominantes bleu et vert.

– Le Cantique des Cantiques, attribué au roi Salomon (fils de David), vers 900 avant J.-C., poème sacré, lyrique et d’amour, entre l’épouse, l’époux et le chœur. Cette série a été peinte dans des dominantes de rose et de rouge.

Lorsqu’ il se met en quête d’un lieu pour présenter ses œuvres à Vence, son choix se porte sur la grande chapelle du Calvaire, qui fait partie d’un ensemble de 8 chapelles. Construites en 1720 par un chanoine vençois, elles abritaient 50 statues en bois polychromes d’art naïf local, qui constituaient un chemin de croix. Celui-ci joua un rôle important jusqu’à la Révolution. Ces sculptures, désormais classées au titre des Monument historique, sont visibles dans les tribunes de la cathédrale de Vence, dans l’attente de leur retour dans ce lieu…

Malheureusement, le projet de Chagall d’y présenter le Message Biblique ne put se faire. Bien que la ville ait pris des dispositions, la présence de la statuaire et l’importance des œuvres ne permettaient pas leur cohabitation.

André Malraux, mis au courant par Chagall, trouva d’ailleurs le projet irréaliste et s’occupa de rechercher un terrain pour que l’État puisse construire un musée national. Vence n’ayant pu répondre positivement à cette demande, c’est Nice qui offrit le terrain pout accueillir le musée. L’inauguration eut lieu en 1973.

Chagall avait quitté Vence pour Saint-Paul en 1966. Mais il ne garda aucune rancœur contre les Vençois et, en 1979, offrit une mosaïque à la cathédrale.
 

Jacques CHAVE

Président d’honneur 

de l ‘association Patrimoine religieux vençois